Ma chère épouse,
Voilà maintenant plusieurs mois que tu es partie. Mon chagrin ne faiblit pas.
Cinquante ans de vie commune, toujours ensemble. Tu me connaissais si bien.
Quand tu as tout oublié je ne m’en suis pas formalisé. Quand tu me demandais qui j’étais, je répondais « je suis et je t’aime ».
Alors, tu serrais mes mains très fort.
Cette maladie ne nous a pas éloignés, elle nous a attendris. Finies, mes colères, mes ordres, mon orgueil. Je devais te servir et je l’ai fait.
Mon cœur est toujours plein de toi. Ces cinq ans de tendresse je te les devais. Tu m’as tant donné.
Chaque jour, je cherchais des parfums, des images, des mots et des chansons pour t’aimer, te rapprocher encore, t’inclure dans toute cette espérance du désir.
Je sentais que j’étais dans ton cœur, au plus profond.
Certaines nuits, nous sortions à ta convenance. Parfois en robe de chambre, nous traversions le village, nos corps baignés dans la brise tiède.
Assis près de la rivière, nous chantions, récitions des poèmes, des prières.
Tu adorais te blottir contre moi, le soir.
Cent fois tu me questionnais, parfois terrorisée, parfois seulement tremblante. Cent fois je te répondais, comme un écho bienveillant.
Cette maladie nous a rendus indispensables l’un à l’autre, noyés dans notre présence. Je la bénis.
Je sais désormais ce que signifie appartenir à l’autre. Je n’étais plus que désir pour toi, désir de toi, désir en toi.
Désormais redevenu moi, je nage encore dans ces effluves de nous deux.
Pourrai-je me donner ce que je t’ai donné ? En aurai-je la force, le courage ?
Je suis encore si plein de toi, un peu comme si tu étais entière en moi.
Je suis fier et heureux de notre vie.
Je souhaite à chacun autant d’amour dans cette épreuve car, seul l’amour, peut transcender nos états…
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