Si je n’avais jamais pensé vivre aussi longtemps, je n’avais pas non plus imaginé les relations que je pourrais avoir avec mon aide à domicile depuis que je suis devenu dépendant... Le temps n’arrange pas les choses : Rosy (l’aide à domicile) est devenue, au fil des jours, plus sûre d’elle. Elle prend davantage d’initiatives. Ça vous semble bien ? Pas du tout : elle est trop en confiance et ne me « voit plus ». Au début très attentive et concentrée, elle est devenue plus « mécanique ». Non, elle ne me manque pas de respect, ne me brusque pas, mais j’ai petit à petit l’impression de devenir sa chose… qu’elle décide de tout pour moi. Bien sûr elle est souriante, me fait même des petits cadeaux, mais le compte n’y est pas. Je suis devenu débiteur affectivement alors que ce n’était pas mon souhait. J’en suis à presque être gêné de ne pas confier mes souvenirs de jeunesse. Je ne peux lui en parler, elle ne comprendrait pas…
J’en ai parlé à Alain, un ami. « Tu es trop sur la défensive, tu te formalises trop »… me dit-il….« pourquoi voudrais-tu de sa part une absolue compréhension ? une adaptation à tes désirs cachés, à ton exigence de liberté ? » « En fait tu crois que depuis que je suis dépendant, je voudrais faire comme si je ne l’étais pas?... » « Probablement et de plus tu as des attentes vis-à-vis d’elle qui ne sont pas réalistes … » « Tu crois donc que je devrais moins m’en faire à ce sujet ?.. » « Oui, cesse donc d’être sur la défensive parce que tu as du mal à te laver tout seul…Après tout elle t’aide, non ? » « C’est vrai. Peut-être que je lui en veux d’être jeune et en bonne santé ? » « On déteste toujours le bonheur des autres : on croit que c’est en moins pour nous… et en plus, on finit par détester ceux qui nous aident tout autant que ceux qui nous ressemblent…
Comments