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Doc le Doc et ses mauvais penchants… (fiction sur le burn-out)

Dernière mise à jour : 16 juil. 2021

Plus il avançait en âge et plus Doc le Doc culpabilisait…

A 75 ans, il avait dû passer plus de trente mille journées à se maudire.


C’était toujours la même image : une volumineuse armoire pourpre et or, lookée comme un confessionnal.

Il s’agenouillait et tirait le rideau.

Il faisait froid.


Un petit bruit sec claquait comme une invitation.

« Pardonnez-moi, mon père, car j’ai beaucoup picolé… »

« Voilà, en fait en cette journée du 7 juillet 1992… »

Il s'interrompit : une quinte de toux lui arracha les bronches.

Il fumait aussi beaucoup.

Des gitanes sans filtres. Il allumait la suivante avec la précédente, jour après jour, nuit après nuit.

Une sorte de vieil archange un peu bourré lui faisait face. Ses yeux luisaient de mauvais alcool.


« Ma douzième année de médecin militaire, j’ai été face à une pathologie très spéciale…

Mon infirmier en chef m’a donné la recette.

C’est un truc que l’on ne rencontre qu'une fois dans sa vie… » m’avait-il dit.

« Et pourtant, 20 ans plus tard, installé en libéral, je l’ai rencontrée à nouveau : chez une petite mémé, en maison de retraite. Elle avait tous les symptômes. Tous mes confrères s’y étaient cassé les dents… Moi, je l’ai remise sur pieds en 3 jours… »


Doc le Doc rallumait (même en rêve) une gitane.

Le goût amer d’une miette de tabac, l’humidité légère de « la sans-filtre »…

S’il arrêtait, que lui resterait-il ?

« Vous savez quoi ? C’était la maman du directeur de la maison de retraite. Je suis devenu son héros… ».


Doc le Doc semblait amer. Comme sa gitane…

« Du jour au lendemain, toutes les mamies m’ont pris comme médecin. J’étais Dr Miracle… »

Ah le fiel du destin et l’inconstance des hommes.

« Je venais de divorcer. J’avais trouvé la même en plus jeune. Finalement elle était encore plus emmerdante…

J’aurais dû ne pas laisser partir l’autre… Au moins elle me comprenait.

On avait épuisé des tas de sujets…

Avec la nouvelle, je le voyais bien, je faisais vieux…

On me regardait de travers…

Et puis à part les magasins, rien ne l’intéressait…

Ou peut-être les hommes jeunes ?

Je ne sais pas…

Mon corps était déjà si décharné, si peu appétissant…

J’ai fini par avoir horreur de la voir, ne serait-ce qu’un peu déshabillée. Sa chair humiliait la mienne...

Heureusement, elle n’est pas restée longtemps…»


Doc le doc adorait se confesser à soi-même, se flageller de ces rituels païens… Le curé a fait autant d’étude que lui, mais ici-bas, c’est le Doc qui gagne…

« Bref, tous les mardis matins, je déposais les soixante-dix ordonnances à la maison de retraite, je prenais mon enveloppe et retournais me cuiter… Cela m’a quand même payé une BM série 7, intérieur cuir et tout et tout »…

« Mon fils, pas question d’aller en paix » murmurait alors le quidam du confessionnal-armoire…

« Je sais, » dit le doc, « mais je ne faisais pas grand-chose, ils étaient vieux… si proches de… la fin ? »

« Et maintenant, c’est toi, avec tes remords, qui es proche de la fin. Car bien sûr, tu n’as rien fait pour te rattraper ? »

« Eh bien, pas vraiment, je préfère me plaindre et me saouler… Après tout, je n’ai besoin de personne pour me détruire, je le fais tout seul… »

« Cela ne détruira pas ta faute » dit l’archange, « elle ne se dissoudra pas, pas plus que les morts…Ils sont tes obligés… »


C’est ainsi que parfois, hommes ou femmes nous lâchons prise. Nous préférons nous plaindre que de réparer. Nous trouvons toujours le moyen et même une jouissance au statut de victime…


La médecine et le soin en général prêtent le flanc à ces disruptions, comme le taureau au picador.

Ça rentre, ça fouille, le sang jaillit. Ça fait mal, très mal…

Tout le monde semble adorer.

Comment gérer nos erreurs, nos faiblesses et leurs fatales conséquences lorsque l’on soigne?

Le temps accumule les incertitudes. Nous ignorons les guérisons et nous nous focalisons sur les échecs ?

Syndrome de « toute puissance du soignant »… Ouais, de jolis mots pour cacher des trucs pas nets et puis après…

« Après, il faut vivre avec » murmura le Doc dans son rêve. Et ça c’est la définition de l’enfer…On brûle dedans…

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