La recherche du bonheur individuel ici et maintenant apparaît au XVIIIe siècle. Le bien-être des hommes sera dès lors intimement lié aux progrès de la science. Faire du bonheur un idéal suprême apparaît aussi comme une injonction terrifiante : ainsi naît et croît la culpabilité de ne pas être "heureux". Cette nouvelle pression exercée par l’idéal d’épanouissement personnel (notamment au travail) pèse sur le jugement que nous émettons sur nos vies.
Est-ce donc cet "impératif de félicité" qui crée le désarroi professionnel ?
Ou, à l’inverse, l’hypertrophie d’images euphorisantes véhiculées dans ce monde est-il une incitation à renouveler nos conditions d’existence ?
Aujourd’hui, l’on pense que ce qui nous arrive est le fruit de notre manière de voir les choses : nous pourrions être heureux en le décidant. C’est le credo des théories de développement personnel.
Et pourtant, Rousseau met en évidence ce dilemme : on ne peut connaître le bonheur sans rapports avec autrui. Cela nous voue aux déceptions et blessures de la vie. Freud renchérira : il y a une part d’incontrôlable dans l’expérience du bonheur.
Il nous faudrait donc vivre avec l’idée que le bonheur est fugitif, imprévisible ? Avec l’idée que les incantations sur ce sujet ne font que l’éloigner ? Que l’illusion du bonheur est préférable au bonheur de l’illusion ? Qu’il ne faudrait exclure de nos vies ni la superficialité ni la profondeur ?
La conclusion s’impose : le bonheur est constamment à réinventer et nul ne détiendra jamais les clés pour son accès.
En savoir plus : Gilles LIPOVETSY « Le bonheur paradoxal »
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