« Une organisation est toujours plus conservatrice et résistante au changement que les individus qui la composent. Ne pensez donc plus qu’un accord général va conduire au changement… sans difficultés. Car cela demande une énergie considérable de faire évoluer un groupe, même lorsque tout le monde est d’accord. »
Daniel avait fait appel à un formateur extérieur pour une formation individualisée au management.
« Donc l’ensemble d’un groupe choisirait davantage la sécurité ? » demanda Daniel
« En fait, il y a toujours la recherche de l’homéostasie, de l’équilibre… »
« OK, donc tout changement que ce soit dans les procédures ou plus généralement dans l’organisation déséquilibre un groupe qui, spontanément, met en place des mécanismes d’adaptation ? »
Daniel avait l’impression de déjà connaître tout cela.
« Oui », lui dit son formateur « et c’est là que peuvent intervenir les risques… »
« Les risques ? »
« Oui, on accepte rarement qu’il puisse y avoir du flottement ; on veut des certitudes et on revient peu ou prou sur ce qui a été décidé… »
« Donc il faudrait laisser faire ? »
« Oui. Il y a toujours un temps de latence. Nous conseillons de ne pas revenir sur ces terrains pendant une semaine dès lors que des aspects de l’organisation ont été affectés. Les correctifs peuvent attendre quelques jours, non ? »
« Ah, je n’avais pas pensé à cela » concéda Daniel.
« D’une façon plus générale, il est nécessaire pour un manager de mettre en place un rythme pour les efforts à demander. Trop rapide, les gens s’épuisent, trop lent, ils s’ennuient… »
« Cela semble pertinent… » pensa Daniel. « Mais quel rythme ? »
« Celui que vous avez choisi. D’après ce que vous m’avez exposé, les changements sont plus le fruit de circonstances extérieures… »
« Que je répercute sans avoir le tempo… C’est bien cela ? » Daniel commençait à y voir plus clair.
Eh oui, la maîtrise du tempo relevait de sa responsabilité. Il allait s’y mettre sans tarder et sans procrastination.
« Avez-vous, pour vos équipes, établi un code de priorités ? »
« Pour tout dire, c’est assez informel… »
« Ce qui veut dire que vous laissez le personnel décider à votre place de l’urgence et de l’importance d’une action à mener ? » demanda le formateur.
« Euh… oui, mais je crois que cela va changer… »
« Saisissez, à travers ce que disent vos équipes, comment les aider à détenir plus d’éléments pour décision. Cela vous permet de conjuguer liberté et sécurité… »
« Oui, mais cela ne changera pas dès lors qu’un soignant me dira qu’il n’a pas assez de temps pour parler avec les résidents… »
« Vous voyez que l’on tourne depuis un moment avec cette gestion du temps, c’est-à-dire de notre vie, qui s’écoule. Le temps n’est que la distance entre deux changements. Plus cette distance rétrécit et plus on a le sentiment d’être esclave du temps et donc que l’on n’aura pas …le temps. »
« Donc, une meilleure gestion du temps cela ne revient pas à « chronométrer les toilettes ? »
« Non, c’est de la comptabilité, pas de la gestion. Or il y a trop d’incertitudes en ce domaine pour que la comptabilisation apporte une réponse satisfaisante… »
« Donc vous me dites en gros de mieux planifier ce type d’actions, d’être patient pour la mise en route et pour les équipes de trouver un système de priorités qui les aide. C’est cela ? »
« Oui, mais aussi apprendre aux équipes à gérer les frustrations engendrées par des situations d’urgence qui finissent par devenir plus fréquentes que les situations dites normales. »
« Apprendre aux équipes à gérer les frustrations engendrées par le quotidien ? »
« Oui, bien sûr. Plus ils auront le sentiment qu’ils contrôlent l’avenir proche et moins il y aura de stress, non ? »
« Oui, il faudrait donc que je télécharge l’appli « zénitude » dans mes équipes ? » dit Daniel en riant.
« C’est tout à fait cela. Si un membre de l’équipe ne peut prendre le temps à un instant T de prendre en charge le désarroi d’un résident, il sait qu’il pourra « rattraper » dans la semaine et le résident le saura aussi. Certains EHPAD organisent même des journées « cool »…. pour compenser les journées difficiles… »
« Bon » pensa Daniel. Il était encore sceptique sur ce dernier point. Mais ce n’était pas grave, il avait une vision plus claire des enchaînements futurs de son job de manager. Il pensa, comme Plutarque, que « la patience a plus de pouvoir que la force. »
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