« C’est curieux, je suis toujours un peu stressée quand je vais en stage… »
Gabrielle était assise dans le bus, à côté de Fatima.
« Oui, moi aussi, j’ai peur de ne pas être à la hauteur… » dit Fatima.
« Et j’ai peur que l’on nous dise que l’on ne fait pas bien notre travail…. »
« Tu sais qu’un jour, dans un stage, on m’a dit que je faisais du transfert… C’est quoi ? » demanda Fatima.
« C’est rien, juste ce que les formateurs disent quand ils sont de mauvaise humeur et qu’ils trouvent que tu t’attaches trop… »
« Oui, comme si ce que l’on éprouve les concernait. J’ai le droit d’aimer qui je veux, non ?»
« Oui, après ils te diront que cela dépend aussi de la manière dont tu leur montre ton attachement… »
« Ah mais je veux bien que l’on critique ma façon de faire, mais ce que je n’aime pas, c’est quand on me dit qui je suis… et puis j’aime les câliner ces vieilles dames, j’aime leur peau douce… ça me rappelle ma grand-mère…»
« C’est vrai que c’est plus facile de faire une toilette avec quelqu’un qu’on aime bien… » souligna Gabrielle.
« Oh oui, » dit Fatima. « Et pour les autres, il y a les gants… ». Elle rit.
« Oh, tu exagères » dit Gabrielle.
« Je plaisantais » dit alors Fatima « en dehors des situations où c’est nécessaire, je mets des gants virtuels… j’ai l’impression que cela me protège… »
« De quoi ? »
« D’un contact physique qui m’est désagréable…mais je ne sais pas très bien pourquoi… »
« Tu veux dire que certains corps peuvent t’inspirer du dégoût ? »
« Je n’irais pas jusque-là, mais c’est vrai que je suis beaucoup plus à l’aise avec certaines personnes qu’avec d’autres. Donc quand je mets mes gants virtuels, cela me permet d’être en phase avec chacun… »
« Et le premier contact ? Comment tu rentres en contact physiquement ? »
« Oh » dit Fatima, « je prends mon temps…je m’approche doucement, toujours avec le sourire et puis, selon la position de la personne soit je propose un contact de la main, soit je murmure un deuxième bonjour avec le nom de la personne… »
« Donc pour chaque personne, tu entres en contact différemment ? »
« Ah oui, sinon j’aurais l’impression d’être un robot… » Elle rit.
« De la manière dont tu le dis, il y donc beaucoup de tendresse dans tes toilettes… »
« Ah oui, c’est plus que nécessaire. En fait je me laisse un peu guider par les résidents, j’essaie de créer de l’harmonie… »
« Ah, je comprends, c’est donc pour cela qu’elles te réclament tout le temps… »
Elles descendirent du bus et se dirigèrent vers la salle de réunion.
Elles étaient les dernières arrivées.
La formatrice les regarda, sourit et s’adressa au groupe : « La formation n’est pas la connaissance. La connaissance n’est pas la sagesse. La sagesse n’est pas la vérité… Tel sera le sens de notre réflexion sur la « juste distance » entre un patient et un soignant. » « Tout est dit » pensa Fatima. « Tout est dit » pensa Gabrielle.
Comentários