« Tu sais Sylvie, je la déteste vraiment. Elle est cassante, cinglante et surtout ne m’est d’aucune utilité… »
« Genre petit chef qui aboie ? »
« Oui, je l’appelle Pitbull. Le problème c’est qu’elle ne m’apporte rien. Quand il y a un problème, à part gueuler en me traitant d’incapable et me dire YAKA, je n’ai aucune réponse satisfaisante… »
« Tu penses que sa colère est liée à la peur de ne pouvoir t’aider, qu’elle veut à tout prix ne pas paraître incompétente ? »
« Oh sûrement, la peur et la colère mélangées ne mènent qu’à des postures de ce genre. J’ai l’impression de vivre au XXe siècle… Maintenant, rien que de penser à elle, je stresse… »
« Elle est comme ça avec tout le monde ? »
« Avec les équipes oui, sauf les grosses personnalités… Et encore, on a l’impression qu’elle veut vivre dans un conflit permanent, que ça la stimule, qu’elle aime cette vie de haine et de mépris des autres…. »
« Ca c’est sûr qu’elle y prend du plaisir, dissimulé ou non, sinon elle ne perpétuerait pas comme cela ce type de style de vie… »
« Je me demande si elle s’en rend compte ? »
« Non, pas du tout. Elle est même persuadée qu’elle est la plus forte.
Tu connais la maxime de La Rochefoucauld : Il est plus facile de se mentir à soi-même sans s’en apercevoir que de mentir aux autres sans qu’ils s’en aperçoivent… »
« Ouh là, celle-là je la retiens, elle peut servir… »
« Oui mais il y a aussi le grand malentendu … »
Sylvie et Karine sont assises autour d’un thé au café du commerce. La salle est quasiment vide. La lumière du jour cède le pas au crépuscule, favorisant leur intimité. Sylvie aime ces ambiances, elle aime pouvoir se confier. « Quel malentendu ? » « Manager n’est pas diriger en se centrant sur les objectifs uniquement, il est aussi nécessaire d’avoir une approche des relations humaines très pointue… » « Donc tu me dis qu’elle n’a pas l’appli « coolitude » c’est ça ? » « Oui, elle dirige vent debout, tendue vers les objectifs de l’organisation… C’est rassurant. Ca a fonctionné pendant plus de deux cents ans… » « Donc je suis foutue ? » « Donc si tu veux modifier cette relation, il faut que tu changes de rôle… » « Je ne comprends pas … » « Tu es une personne très sensitive, tu veux établir des relations de confiance avec les autres mais ce n’est pas toujours possible, il faut que tu vives avec… » « Tu me dis donc que je dois me laisser aboyer dessus… » « En quelque sorte oui, mais en endossant un rôle différent… » « Quel rôle ? »
« Le contraire de ton personnage classique : avec elle devient froide, parle laconiquement, ne lui demande rien, tiens-toi droite, fixe la dans les yeux – sans impertinence ou provoc… - juste neutre »
« Et tu penses que ça va changer ? »
« Non, je pense que tu vivras mieux avec… Pour le reste, il est possible que t’ayant vu se rapprocher d’elle, elle baisse un peu la garde. Mais c’est pas certain.»
« OK donc en fait si je ne veux plus souffrir de cette situation, il faut que je regarde les choses autrement ? »
« Yes, comme dirait mon vieux maître chinois tu as le choix de t’adapter ou de partir… »
« C’est pas un peu injuste ? »
« Si, mais la vie est injuste. Bon, on termine le thé et on se fait un petit apéro ? »
« Oui, OK, merci. »
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