- L'humour en EHPAD est une connivence sociale. Il peut beaucoup ou peu selon son sujet narratif : parfois il fait rapidement évoluer une situation, parfois il la pérennise… dit Doc Ledoc.
- Ah… répondit interloquée Doc Ladocque…
Elle était habituée aux digressions de son confrère. Cela la surprenait, l’amusait ou l’irritait.
- Oui, il est un rapprochement empathique global. Dans le même temps, toute l’assemblée partage un sentiment commun, l’amusement. Il crée la sensation que nous réagissons tous de la même manière. En fait, il ne la crée pas, il la pérennise…
- Ce que tu veux dire, c’est qu’avec de l’humour, on peut provoquer plus de connivence sociale chez nos patients âgés ?
- Oui, bien sûr, dit Doc Ledoc, nous manquons en EHPAD de rituels sociaux qui provoquent ces empathies collectives. Nous sommes trop seuls ensemble, soit sur nos smartphones soit dans le salon de l’EHPAD. Chacun va dans sa direction…
- Bon, alors il faut faire venir des humoristes dans l’EHPAD ? rétorqua Doc Ladocque en souriant.
En fait oui, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas leur faire partager des rires, des fous-rires ou des sourires ?
Ces partages étaient toujours impromptus, ne répondaient à aucun autre dessein que leur immédiateté.
Pourquoi ne pas les provoquer ?
Doc Ledoc avait raison sur ce coup-là.
Elle se souvint avoir vu un reportage sur des stages de "rire". On apprenait aux gens à rire à nouveau, pour un rien. A provoquer ou re-provoquer plus spontanément cette fonction. Peut-être pour mieux souder une équipe, pensa-t-elle. Mais pas pour nos patients.
- Non, dit Doc Ledoc, c’est l’humour qu’il faut réinstaller, pas à pas. En mesurer les propositions, les fréquences, l’intensité, les incidences sur la marche, l’appétit…
Ça y est, son obsession de l’évaluation des TNM revient, pensa Doc Ladocque. Cache ton humanité, elle revient au galop…
- Primum, vivere, lui envoya Doc Ladocque.
Et toc, il n’y a pas que toi pour sortir des citations d’on ne sait où…
- C’est vrai, concéda Doc Ledoc. Comment créer 2 rituels humour par jour ?
- Avant le repas, je suppose ? dit-elle.
- Bien sûr… dit-il.
- Et on prescrit ? demanda-t-elle.
- Oui, on prescrit…
- Et comment vont faire les équipes ?
- Elles trouveront, elles ont l’art et la manière de s’esclaffer à tout propos… Tiens, achète un livre de blagues à Lucie, on peut commencer avec elle, non ?
Doc Ladocque se souvint de son internat. Elle avait fait un stage dans une clinique psy. Avant chaque repas, c’est vrai, le cadre venait raconter une blague… Tout le monde attendait ce moment… Ensuite, il passait à chaque table et faisait fuser les rires. Oui, mais tout le monde était autonome pour manger… se surprit-elle à penser.
Qu’à cela ne tienne, pensa-t-elle. Au moins, ils sont autonomes pour rire et finalement c’est plus important. Créer une addiction aux blagues de Lucie, lui donner à elle, la râleuse de l’équipe un rôle d’amuseur, tiens il y avait à penser sur ces interactions.
- Bon, on reprend les éléments du PMP ? dit-elle.
- Oui, chaque chose en son temps, répondit Doc Ledoc.
Finalement, c’était assez simple, ôter de la gravité et la remplacer par de la légèreté. Confier tout cela aux équipes : il était peut-être là, le point de départ de la qualité de vie…
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