Je crois que j’ai été attirée par le service de Dieu dès mon plus jeune âge. Dès l’âge de 6 ou 7 ans, il s’est imposé comme une évidence dans mon esprit : je devais servir Dieu en me mettant au service des plus démunis. Cette passion ne m’a plus jamais quittée. Voici maintenant plus de 50 ans que je m’occupe de personnes âgées dans le monde entier. Mon établissement est laïc et parfois la présence d’une infirmière religieuse (et bénévole) peut mettre mal à l’aise mes supérieurs.
Tenez, l’autre jour après un soin, une dame – je ne me résous pas à les appeler « résident » – m’a demandé de lui rappeler l’acte de contrition. Nous étions en train de le réciter ensemble quand la surveillante est arrivée. Elle m’a grondée : « Je vous ai déjà dit : pas de prosélytisme religieux sinon je ne vous garderai pas ». J’ai pensé à ce moment-là au père, au grand-père de cette femme : ils la regardent d’en haut et ont dû souffrir de cette phrase…
C’est mon plus grand bonheur de me lever le matin et de penser à tout ce que je vais faire pour ces dames et ces messieurs. Je suis entièrement disponible, jamais traversée par des tourments qui amoindriraient mon action auprès d’eux. D’ailleurs, ils me réclament tout le temps. Et je suis là tout le temps.
Je suis tellement fière et heureuse d’aider ces personnes. Je voudrais le partager avec les équipes. Je voudrais qu’elles partagent avec moi cet enthousiasme du don de soi qui nous grandit.
Bien sûr je n’en parle jamais : je sais que c’est la façon dont je fais mon travail qui parle pour moi. Je suis parfois triste pour elles, surtout lorsqu’elles semblent « débordées » par leur activité et que monte en elle une forme de détestation de leur travail. C’est une mission tellement belle, tellement transcendante que de prendre en charge et d’aider ceux qui ont bâti le monde dans lequel nous vivons, ceux qui sont riches d’une vie entière et que nous ne connaissons pas si nous sommes absorbés par nos problèmes.
Une dame me disait l’autre jour : « Elles me font de la peine, ces petites, à courir toujours après le temps, à avoir toujours peur de ne pas y arriver… » « C’est vrai.. » lui ai-je répondu. Et j’ai pensé à cette formule du poète Octavio Paz : « L’automobile n’atteindra jamais la vitesse de la route »
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