« Motiver les collaborateurs… je me demande si l’expression est bien choisie… »
C’était la pause de 11H00. Le stage « Optimiser le management » commençait doucement, très doucement.
Tout le monde devait se présenter : ça prenait déjà 2H30… tout le monde devrait synthétiser, cela prendrait encore 2H30…
Et le stage durait 2 jours…
Jean réfléchissait tout haut. Pierre l’écoutait, amusé, adossé à la machine à café.
« Te penses comme moi, que le mot ‘engagé’ est plus adapté ? »
« Oui, » dit Jean. « Il semble que nous devions révéler à nos troupes tout l’intérêt et la grandeur de leur mission, un peu comme les évangélistes finalement… »
Pierre se mit à rire.
« Je n’avais pas vu les choses comme cela… Alors nous devrions porter la lumière à tous ces aveugles ? C’est un peu cela le management moderne ?... Le mépris absolu pour ces ‘pauvres collaborateurs qui ne voient pas leur destinée’ ? »
Il adorait en rajouter lui aussi…
« On crée un imaginaire social qui viserait le bonheur, la plénitude de tous ceux qui travaillent…. »
« Oui, bon » reprit Jean « remets ta liturgie dans le coffre. La pause se termine… »
Le formateur était sympa. Sérieux et sympa. On avait envie de l’écouter.
« Le mot management trouve sont origine dans la Revue des 2 mondes en 1845… »
« Oh non, - pensa Pierre - pas encore 30 mn sur le mot MANAGEMENT, 1H00 sur Maslow et quoi après ? Blake et Mouton ?... »
Pierre avait horreur de toutes ces platitudes en formation. Il savait déjà qu’on allait dans le mur.
Il aurait du nous parler de nous dès le début…La Revue des 2 Mondes, ce n’est pas dans nos priorités… »
Pierre voulait vérifier un concept : dans toute la littérature managériale, la table de loi imposait de complimenter les collaborateurs.
Chaque fois qu’il le faisait, les gens prenaient « la grosse tête » et cela créait des remous dans l’équipe.
Au début, il pensa qu’il le faisait mal. Mais avec le temps, rien ne changeait.
Il se demanda si beaucoup de collègues étaient en proie aux mêmes tourments mais à chaque fois, ses interlocuteurs semblaient gênés et changeaient de sujet.
Il posa la question à Jean, en aparté.
Jean réagit vite. Il le fixa, incrédule … « Quoi, toi aussi ? »
Ils se mirent à rire.
Un petit son les ramena au réel. Le formateur tapotait avec son stylo sur la table pour demander le silence.
« Ta voix n’est pas plus légitime que la nôtre d’autant que tu ne nous sers que des platitudes… » pensa Jean.
Maintenant ils savaient : ils savaient que l’objet de ce stage était entre eux deux. Ils savaient qu’ils allaient avancer sur ce sujet.
« Finalement, » dit Jean « la question se résume à : y-a-t-il des personnalités qui réagissent mal aux compliments et si oui, comment procéder ? »
« Je confirme » dit Pierre. Ils prolongeaient la pause du repas, affinant leurs hypothèses, désireux de les valider, impliqués totalement dans ce choix.
La conclusion du stage arriva vite.
Jean prit la parole.
Le formateur n’en menait pas large.
« Je suis venu ici car je voulais avoir des réponses sur un point important. J’ai trouvé cette réponse et j’en suis ravi. Pour moi, ce stage a été un des meilleurs stages que j’ai suivis… »
Pierre acquiesca.
C’est vrai, cela avait été un très bon stage.
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